Pouvez-vous présenter Innvivo à nos lecteurs ?
Hugo : Notre projet musical est influencé par le Hip-Hop, le Rap, la musique urbaine mais également par le Groove, le Funk et la littérature française ; c’est pourquoi nous disons que nous faisons de la chanson Hip Hop. Il n’y a que de vrais musiciens dans la formule complète d’Innvivo ; Louis Gaffney joue de la basse, Didier Bassan de la batterie, Mathias Monseigne de la guitare et dernièrement, nous avons monté une formule réduite du projet en duo afin d’intégrer Thomas Carreteroqui vient faire du dessin numérique en live car en ce moment, les concerts se passent beaucoup plus sous la forme de concerts dessinés. Clément Laval joue du synthé, de la guitare acoustique et de la guitare électrique et moi-même Hugo Raducanu, je chante, je joue de la batterie et des percussions.
Comment le groupe s’est-il formé ?
H : C’est un groupe de copains. Nous nous sommes tous rencontrés globalement vers nos 19/20 ans au sein de nos études musicales. Nous avions un local à disposition pour répéter et nous nous sommes mis à y faire des sessions régulières. Innvivo est né ainsi en 2010.
Clément : A cette époque, nous ne faisions pas du tout la même musique. Nous étions plus dans l’improvisation et le Jazz car ça correspondait à nos études musicales.
Comment voyez-vous votre évolution depuis la parution de « L’Or du Monde » en 2015 ?
H : Comme je suis batteur de formation, je jouais de la batterie sur ce disque et je n’avais vraiment pas la prétention d’être chanteur et de me mettre devant ; c’est aussi pourquoi nos textes étaient très courts, c’était presque un prétexte pour faire de la musique instrumentale. Nous avons rencontré Louis et Didier qui est devenu le nouveau batteur et cela m’a permis d’avoir plus de place pour écrire des textes ; chose que j’avais envie de faire. « L’Or du Monde » est un peu une photo de cette époque de changements. J’ai commencé à faire des textes un peu plus longs mais nous avions encore beaucoup cette culture du jeu par l’instrument. Dans les premiers temps, le groupe The Roots a beaucoup influencé Innvivo car il jouait avec de vrais instruments et ça nous plaisait.
C : Nous écoutons beaucoup de musique instrumentale, moins de musique produite, même si nous écoutons des beatmakers qui sont très présents dans le Rap et le HipHop.
H : Nous avons enregistré notre premier EP dans un studio avec un technicien son qui ne faisait pas partie du groupe alors que pour le second, nous avons commencé à faire tout en autonomie. C’est Mathias qui a fait les prises et le mixe.
C : Nous avions confié le mastering à quelqu’un dont c’est le métier mais il était en relation avec Mathias et d’ailleurs, cette période a été très formatrice pour lui. Nous, ça nous a permis de commencer à « bidouiller » la prod, de nous familiariser avec les logiciels, les effets post-prod…Ce deuxième EP était un peu une sorte de labo, il était transitoire car nous sentions que nous allions vers quelque chose. Nous avons très vite embrayé sur « Pays Sage » qui est plus produit.
H : Jusqu’à présent, nous n’avons pas fait plus musique assistée par ordinateur qu’avec ce troisième EP.
Pouvez-vous expliciter le titre de votre nouvel EP ?
H : Au début, cet EP aurait dû s’intituler « Paysage ». Nous avons voulu inclure dans le titre de l’EP une petite notion sociopolitique mais de façon subtile avec légèreté. Nous avons coupé en deux le titre initial afin de dire de façon sarcastique que nous sommes un pays sage. On retrouve deux degrés de lecture : pays sage dans le sens pays un peu contrôlé et également, le fait de se croire d’une grande sagesse car nous sommes un pays développé et on peut donc commencer à expliquer aux pays non développés comment se comporter au niveau mondial.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la pochette l’illustrant ?
Thomas : La pochette découle du clip « L’Escrime de L’Estime » dans lequel on oppose le désert et une sorte de ville colorée qui est dessinée. Par rapport au titre de l’EP, on montre une ville construite de manière très propre, très colorée et très lisse comme des Lego. Il y a quelque chose de l’ordre de l’enfance, c’est alléchant mais avec le titre, on se demande ce qu’il y a derrière.
De quoi parlez-vous sur « Pays Sage » ?
H : Les textes parlent beaucoup de la génération 90, des jeux vidéo retro, de la mondialisation…Pour souligner ce fond, nous avons opté pour une forme très numérique et digitale.
Vos influences principales pour l’écriture viennent-elles plus du Hip Hop ou de la littérature car il y a un vrai soin apporté aux textes ?
H : Merci ! C’est certain que les influences viennent d’abord de la littérature ou même de la chanson populaire. Brel, Noir Désir ou Bashung sont les premiers à m’avoir fait rêver au niveau des textes. En ce qui concerne la littérature, je ne suis pas spécialement un gros lecteur et je pense que Clément l’est plus que moi car nous avons beaucoup échangé sur des romans. En tout cas, « 1984 » de George Orwell et « La Horde du Contrevent » d’Alain Damasio m’ont beaucoup inspiré. Dans « La Horde du Contrevent », il y a un troubadour qui s’appelle Caracole et qui maitrise la langue et j’ai trouvé que l’on pouvait faire un gros rapprochement avec les rappeurs et les MCS car ils jouent aussi avec les rimes, les mots et la syntaxe afin de provoquer quelque chose de rythmique et de viscéral chez l’auditeur. Avant de lire ce livre, j’avais l’impression d’être un peu en décalage entre le rap que j’aimais et la littérature que j’appréciais. J’avais du mal à me sentir légitime d’avoir ces deux influences que je ne trouvais pas forcément très proches dans un premier temps mais ce livre m’a totalement décomplexé.
A quoi invite la musique d’Innvivo ?
C : Elle invite à être contemplatif et à regarder le monde qui nous entoure. Nous nous posons des questions mais nous n’obligeons pas les gens à se poser les mêmes questions que nous. Nous écrivons des chansons car cela nous fait du bien et nous sommes contents si les gens qui nous écoutent sont un peu dans la même transe que nous.
H : Il y a plusieurs formes d’écoute. Lors d’un concert, je pense que c’est compliqué pour le public d’attacher son attention sur les textes. Les conditions du live ne favorisent pas forcément le fait que la voix ressorte bien et puis les gens peuvent être dans un mood où ils vont plus se focaliser sur les rythmes…C’est autre chose que d’écouter le disque dans son salon.
T : Les concerts dessinés amènent une narration. Mes dessins sont très rapides, ils sont faits en 5 minutes le temps du morceau et cela apporte quelque chose d’un peu naïf qui fait sourire et qui ironise un peu sur la situation qu’Hugo décrit et qui peut être plus grave.
C : Personnellement, je trouve qu’Hugo a une façon très métaphorique d’écrire et cela permet diverses interprétations et donc différents niveaux de compréhension.
Peut-on retrouver quelque part les dessins réalisés par Thomas durant vos concerts ?
T : Non car ces dessins sont éphémères. Nous parlons de dessins mais ils sont réalisés sur un logiciel d’animation. J’ai cinq images qui tournent comme un GIF durant un morceau un peu à la manière de loops.
Avec quels artistes aimeriez-vous mêler votre univers ?
H : Il y en a des tas ! Pour en citer quelques-uns, nous te dirions Gaël Faye, Orelsan, Lomepal, Casseurs Flowters, Hippocampe Fou, Odezenne…C’est une génération d’artistes que nous respectons énormément.
C : Ils utilisent le Rap et le Hip Hop pour s’exprimer mais ils ne correspondent pas du tout à l’archétype du rappeur et ils n’en jouent pas. Ils s’assument d’en avoir écouté quand ils étaient adolescents, le Rap est leur papier et leur stylo mais ils ne vont pas en faire par rapport à un milieu qu’ils ne connaissent pas. Ce n’est pas du Rap ghetto ni egotrip.
Quels sont vos prochains projets ?
T : Nous commençons à penser aux prochains clips.
C : La matière est là sur cet EP mais nous ne nous arrêtons pas. Nous pensons déjà à l’après car nous avons bien compris qu’il ne s’agit de défendre un objet, arrêter d’en créer avant de revenir avec un autre projet.
H : Nous sommes tous d’accord sur le fait que les prochaines productions seront moins réunies sous la forme d’EPS ou d’un album mais qu’elles sortiront de manière individuelle et qu’elles seront toutes mises en images.